Il y a tant à voir à Florence. Chaque rue, chaque bâtiment, la moindre sculpture est un témoin d’une histoire dont les récits ont fait une légende. Michel-Ange, les Médicis, Léonard de Vinci, Botticelli, l’Arno, le Ponte Vecchio, l’ombre des ruelles ou le soleil répandu sur les piazza captent l’attention et font rêver. Quelle émotion ! Stendhal, dit-on, ne s’en remit pas. On comprend que l’émerveillement laisse peu de chance au monde ordinaire d’être aperçu. En particulier les panneaux de signalisation routière. S’y attarder, quel incongruité. Et pourtant… pourtant il peut arriver que le regard se pose sur l’un d’eux, le traverse, puis fasse un pas un arrière, hésite et s’étonne : ce panneau que l’on reconnait parfaitement est plus qu’un giratoire, un sens interdit ou une interdiction de stationner. C’est aussi un clin d’œil, un petit discours à la façon d’un dessin d’humour. Un personnage se livre à quelque activité inattendue et chamboule les idées reçues sur le code de la route.
Ces détournements discrets des symboles de la signalisation routière sont l’œuvre d’un florentin d’origine bretonne : Abraham Clet. Comme des points de beauté sur le visage, ils sont invisibles mais dès qu’ils sont aperçus les voici aussi évidents que le nez au milieu de la figure. Comme eux, ils ajoutent quelque chose, un je ne sais quoi que l’on apprécie sans s’y attarder et sans que l’essentiel ne perde son sens propre. Il y a, dit-on, dans cette démarche de galopin irrévérencieux, la marque d’un esprit rebelle : le message porte sur la façon dont le respect de la loi peut être un obstacle pour la société… parfois, la loi contrôle trop. Oui, bon… disons, que le propos affirme une posture plus forte que les images elles-mêmes ; on pense moins à une manifestation contre l’autorité qu’à une invitation à un jeu. Une invitation à exister dans un espace où habituellement nous fonctionnons comme des automates, voyant sans regarder. Florence le tolère probablement pour cette raison, avec bienveillance. On dit que la police de Tokyo ne le voit pas du même œil. En revanche l’artiste est invité et accueilli à Evry comme un poète du code de la route. Mais n’y-a-t’il pas toujours un rebelle qui sommeille dans le cœur du poète, à moins que ce ne soit l’inverse…
Illustrations : photographies de l’auteur, Florence au fil des rues, décembre 2013.
Texte en italique, traduction libre des propos d’Abraham Clet : « The message is about how respect for the law can be an obstacle for society… sometimes the law controls too much. »[source] — Les ennuis à Tokyo voir [ici], l’hommage à Evry voir [là]. Lire aussi le portrait d’artiste d’Abraham Clet publié par Urban Art Paris.
Catégories :art contemporain, regardeur
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