À l’abri de solides remparts sur les rivages du golf du Mexique, la vieille ville de San Francisco de Campeche, plus familièrement connue sous le nom de Campeche, accueille ses visiteurs dans un calme serein. Il règne, en ce mois de janvier, une atmosphère bon enfant, un ambiente campechano ; les lumières sont douces, les touristes discrets, les mexicains souriants. Les rues bordées de maisons le plus souvent de plein pied respectent une géométrie rigoureuse et équilibrée caractéristique de l’architecture coloniale. Les trottoirs curieusement rehaussés mettent en valeur l’alignement des façades. La délimitation claire de la ville par l’enceinte des remparts et le quadrillage systématique des rues repérées par des numéros permettent de se perdre avec la certitude de ne jamais s’égarer. Ainsi peut-on faire de petites et de grandes découvertes en se laissant guider par le hasard, comme par exemple celle d’une curieuse enfilade de sculptures monumentales sur la 59 entre la 12 et la 14.
Confluencias, exposition collective, a réuni d’octobre à janvier quatre sculpteurs latino-américains dans la galerie à ciel ouvert que crée l’alignement impeccable des maisons le long de la calle 59. La sculpture d’Ana Mercedes Hoyos retient particulièrement mon attention; celle d’une imposante femme, assise au sol, bien campée milieu de la rue. Le visage à l’expression déterminée, qui contraste avec la pause décontractée. L’expression du visage, entre stupeur et protestation, est peut être mais involontairement le reflet d’Anamer elle-même. Anamer, le nom que donnait à Ana Mercedes Hoyos ses proches. Anamer, une femme et une artiste de caractère à la fois proche et distante comme parait l’être cette sculpture dédiée aux femmes de Palenque de San Basilio en Colombie. Elle s’était attachée, depuis le début des années 70, à explorer ce village, son histoire et sa culture, avec pour seuls moyens la couleur et sa sensibilité, la sculpture parfois. L’enjeu est un enjeu de connaissance, aller au plus près et faire partager ce qui est la nature même de ce premier village d’Amérique dont les habitants originaires d’Afrique aient été libérés, en 1691, du joug de l’esclavage. Pourrons-nous un jour voir en Europe l’œuvre peint d’Ana Mercedes Hoyos ? Une œuvre dont l’éclat, la joie et l’exigence esthétique retiennent le regardeur tout autant que l’affectueuse et respectueuse empathie pour ses sujets.
L’artiste colombienne Ana Mercedes Hoyos est disparue le 5 septembre 2014.
Illustrations : photographies de l’auteur.
Catégories :art contemporain, regardeur
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