Des internautes s’égarent régulièrement sur ce blog, conduits jusque là par les hasards du googlage de « Meaume le graveur ». J’imagine leur déconvenue… Le billet [*] qui s’ouvre sur leur écran ne leur apporte pas grand chose. J’ai moi-même entrepris de telles recherches et j’en suis revenu bredouille. Enfin, pas tout à fait, puisqu’au moins j’apprenais que le personnage de Pascal Quignard était un personnage de roman. Une invention. Une invention…
Un interview de l’écrivain évoque Louis de Siegen, l’inventeur de la manière noire, technique qui occupe une place centrale dans le roman. Dès lors penser que Geoffroy Meaume est l’avatar romanesque de Louis von Siegen, pourquoi pas. Mais un autre indice est troublant : la recherche ramène souvent l’internaute vers Edouard Meaume, avocat et professeur à l’École forestière de Nancy [*], auteur d’une biographie de Jacques Callot, graveur… lorrain. On trouve dans les entrepôts de Google une copie de ces « Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot ». Les périodes de l’histoire auxquelles ont vécu Geoffroy, Louis et Jacques sont voisines, le début du XVII° siècle. Et si Jacques n’a pas inventé la manière noire, il a en revanche perfectionné la taille douce en introduisant « l’usage du vernis de luthier qui permet un travail plus fin ».
Meaume, l’avocat, nous apprend que Jacques Callot, conquis par les récits du peintre et graveur Jacques Bellange [*], fugue très jeune en Italie qu’il rejoint grâce à l’aide d’une troupe de bohémiens. Il les quitte à Florence avant de rejoindre Rome. Il a 12 ans. Reconnu par des marchands, il est ramené à Nancy, mais s’échappe à nouveau et à nouveau est ramené, cette fois par son frère. Finalement, Jacques a raison de la volonté de ses parents et repart pour Rome avec leur accord en 1609. A partir de là se construit une carrière et une œuvre qui, pour la plus grande part, après le séjour italien, s’épanouira en Lorraine. L’œuvre de Jacques Callot est très riche, d’une grande valeur technique et historique, peut-être de plus grande valeur que celle du lieutenant-colonel Louis von Siegen. Quoi qu’il en soit, ce que l’on découvre de la biographie de Jacques Callot permet de comprendre que Pascal Quignard — si tel était le cas — s’en soit au moins partiellement inspiré pour construire le personnage de Terrasse à Rome. Et puis, écrit Edouard Meaume, « il n’est aucun artiste sur lequel la verve des romanciers se soit plus constamment exercée. » À ce propos… appeler Meaume le personnage du roman, plus que laisser un indice n’est-ce pas là une manière d’hommage au biographe lorrain ?
Illustrations : (1) extrait de “La technique de gravure“, planche de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ; (2) Jacques Callot, gravure d’Ignazio Enrico Hugford, 1774, Gaetano Cambiagi, et al., Serie degli uomini i più illustri nella pittura, scultura, e architettura — source Wikipedia.
Citations tirées de : Edouard Meaume, Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot, Paris, Editions Vve Jules Renouard, 1860 (pages 31 et 5)
Catégories :lecteur
Merci d’avoir procéder à cette recherche à ma place
Et bien cordialement
J’aimeJ’aime