La Technologie ?
De la science dans la matière.
L’Homme ?
De la conscience dans la matière.
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
Inusable Rabelais ! Le vieil aphorisme a trouvé une nouvelle jeunesse sous la poussée de technologies tous les jours plus étonnantes, plus inutilement indispensables, plus redoutablement essentielles. Les artistes d’artiSens se sont saisis de ces tensions entre assurance de plus de bien être affiché avec conviction par les techno-sciences, et risque tous les jours plus évident d’une perte d’équilibre dans nos rapports aux autres, à la nature, à la planète. Ils nous livrent une vision inquiétante et belle, des pensées qui nous disent l’espérance et le regret, indécises « parce que le rapport entre l’humain et les nouvelles technologies est fondamentalement dual et indubitablement complexe : c’est ce qui le rend fascinant », écrit Thrashy.
L’installation d’Emmanuel Bertrand réalise un mise en scène subtile des rapports entre la technologie, l’art et le réel. Le premier regard livre une composition abstraite, géométrique dans un goût classique, enclose dans un écran incliné intégrant le cadre et la composition sur la toile numérique. Un examen plus attentif permet de remarquer que l’image est celle du décor de second plan de l’installation. Le réel et le virtuel se fondent et se composent,
la « vacuité » se remplit d’une déclaration discrète sur la place des technologies dans notre espace. Rien n’est imposé, le propos est murmuré mais très clair. Il fait écho à une autre installation, tout aussi réservée, voire dépouillée, presque anodine. Juste deux bidons qui diffusent une belle lumière et une mise en garde : « ne pas franchir ». On remarque, en passant, puis on revient… chimie du vivant ? Non, « Bidonville », nous dit Coralie Luscietto… ou bidon-vie ? Je n’entends plus très bien.
La fusion du vivant et du numérique est réalisée dans l’œuvre-installation d’Edouard Johnson. Écran el’cédé et modèle de cerveau baignent dans un espace vert, accrochés sur une tôle masquant la technologie qui met en relation les deux univers. Installation en manière d’écorché, les fils d’alimentation, l’infrastructure est offerte au regard et se fond dans l’installation elle-même évoquant l’atelier d’un apprenti sorcier. Simple métaphore ou avertissement :
la technologie ne réduira-t-elle pas l’Homme à ce qui en fait une exception à la nature — son cerveau-esprit. L’installation est celle d’un avatar minimal, un squelette et quelques lambeaux L’image d’un neurone — naturel ou artificiel — suggère que l’on peut aller jusqu’à la disparition. Il suffirait d’un savant fou…
Il suffirait… le savant, on dit maintenant le scientifique ou le chercheur, est celui par qui la technologie devient une réalité, une possibilité d’usage ou de mésusage qu’il revendique ou avec lesquels il peut vouloir prendre des distances. C’est au fond la réflexion de Baïa Ouzar qui représente un savant dans sa bulle. Le plus emblématique des savants, Einstein, portant la plus symbolique des images d’un monde parfait, un polyèdre régulier. Le personnage a l’allure candide et l’objet, le plus ancien objet-concept, a l’apparence familière d’une beauté universelle. Tout cela parait bien inoffensif. Pourtant, l’espérance et le regret sont résumés par ces trois éléments, la bulle, le savant et le polyèdre. En amont de la technologie il y a la science, donc des hommes, et la beauté de la connaissance. L’histoire de l’homme et de la technologie commence là, histoire heureuse ou dévastatrice. La petite bulle est placée dans un coin discret de l’exposition, presque à l’écart alors qu’au fond là est le propos essentiel, le point de départ de toutes les questions que nous posent les 18 artistes réunis pour cette exposition d’artiSens. Surtout, ne la manquez pas, et… ayez un regard pour le petit bonhomme, en sortant.
L’exposition « L’Homme et les nouvelles technologies » se poursuit
jusqu’au 5 juin 2010 dans les murs de l’atelier d’artiSens
Les citations sont tirées du dossier de presse de l’exposition.
Illustrations (courtoisie artiSens et les artistes) : (1) Joris Yang, autoportrait, 2010 (crayon, encre de chine, marqueur, informatique, collage sur carton plume) ; (2a) Emmanuel Bertrand, Vacuité, 2010 (détail de l’installation) ; (2b) Emmanuel Bertrand, Vacuité, 2010 (installation) ; (3) Coralie Luscietto, Bidon-ville, 2010 (installation — bidon, bois, métal) ; (4a) Edouard Jonhson, L’homme branché, 2010 (vue d’exposition) ; (4b) Edouard Johnson, L’homme branché, 2010 (tôle, écran LCD, plastiroc, tube néon, défilement d’images 1mn) ; (5) Baïa Ouzar, Folie créatrice, 2010 (terre acrylique, bulle plastique).
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