Le matériau est des plus insignifiants : dentelle de papier pour mettre en valeur des préparations culinaires. Usage unique.
Le lieu est des plus sobres : grands volumes sur deux niveaux, murs blancs. Usage indéfini.
De ces éléments accessoires, d’un intérêt subsidiaire, Laurent Pernel fait naître un souffle d’esprit en les assemblant pour créer un espace aussi fragile que la lumière qui le révèle. Aussi fermement indéniable. Aussi délicatement enveloppant. Les matériaux initiaux s’effacent, se dissolvent dans une unité géométrique dont la transparence nous absorbe. Si l’on a la chance d’être seul habitant de cette installation, alors on peut recevoir l’invitation au recueillement, à une ouverture des cœurs. Glasnost poétique. Évasion paisible, heureuse, sereine.
Quelque chose de plus que la matière et l’espace de cette installation nous touche. Le temps peut être. La sensation du temps, de la suspension d’un instant où l’on se retrouve. La grâce de la lumière.
On part à regret. On aimerait emporter de cette œuvre autre chose que des images, en garder autre chose qu’un souvenir. L’art contemporain, particulièrement lorqu’il prend la forme d’installations, nous inflige cette frustration. Mais peut être la rencontre a-t-elle était assez forte pour que l’oublie nous épargne. Je me souviens, à ce moment, d’une réflexion de Breyten Breytenbach :
« Peut-on posséder une peinture ? ou un livre ? Ce que l’on a, c’est un moment de possession et si l’on a de la chance, si l’œuvre révèle assez de texture pour engager la connaissance et suffisamment de structure pour que sa signification soit libérée, elle sera le miroir du temps et ainsi elle existera comme mouvement captif. Le temps passera en nous. »
Après la visite de l’exposition de Laurent Pernel qui se poursuit jusqu’au 17 octobre 2009 à l’Espace Vallès
Citation tirée de Breyten Breytenbach [*], Le Monde du milieu [*], Actes Sud, 2009, p.213
Illustration : (1) Glasnost, le carton d’invitation au vernissage à l’Espace Vallès, Saint Martin d’Hères, Isère ; (2) à (5) vues de l’installation Glasnost (napperons en papier, Scotch et cordes), Laurent Pernel, 2009 (courtoisie de l’artiste ; photographies de l’auteur)
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